26.1.16

Interview de Tony Emeriau : une rencontre sous le signe des comics et de l'humour !

Le samedi 23 janvier dernier, Tony Emeriau, connu pour la série parodique et chauda coquine Sticky Pants avec Xav au dessin, quittait sa douceur angevine pour une séance de dédicace à L'Intrépide. L'occasion pour moi de parler comics (mais pas que) dans le premier comic shop du Mans, avec un des auteurs les plus talentueux de l'Ouest français.
Le Goûteur Culturel : Quel a été ton parcours pour arriver dans le milieu de la bande dessinée ? Es-tu autodidacte ou bien as-tu suivi une formation ? 
Tony Emeriau : J'ai fait une école privée d'arts appliqués puis les beaux-arts, le tout à Angers. L'école m'a d'ailleurs demandé de devenir prof, mais j'ai refusé, je ne me sens pas encore prêt pour ça.
LGC : Pourtant tu donnes déjà des cours à l'atelier La Boîte Qui Fait Beuh 
Tony : C'est pas pareil, on y donne plus des conseils à des jeunes pour qu'ils s'améliorent. Dans une école, c'est pour qu'ils puissent ensuite vivre de leur travail que tu leur a appris. Ça fout pas mal la pression...
"À la base faire de la BD c'était un rêve et puis à la veille de mes trente ans, je me suis tapé une grosse déprime et j'ai décidé de me lancer." Tony Emeriau
LGC : À propos de travail, tu as eu une autre vie avant la BD ou bien y es-tu entré directement ? 
Tony : Eh bien j'ai travaillé comme graphiste dans un cabinet d'expertise comptable pendant sept ans avant de me lancer dans la BD, je tenais juste un blog pour garder le moral. À la base faire de la BD c'était un rêve et puis à la veille de mes trente ans, je me suis tapé une grosse déprime et j'ai décidé de me lancer : J'ai envoyé une soixantaine de mails à des éditeurs pour leur montrer mes travaux. Au final j'ai eu quelques réponses positives ce qui m'a encouragé à cumuler le travail de graphiste BD avec mon emploi dans le cabinet d'expertise comptable. 
LGC : Et à quel moment es-tu devenu auteur à plein temps ? 
Tony : Il y a neuf ans, quand j'ai eu assez de commandes pour en faire mon activité principale, notamment quand Olivier Supiot (NDLR : oui, le légendaire papa de Marie Frisson, entre autres), dont j'avais été l'élève, m'a proposé de bosser avec lui sur un album jeunesse (Le Pro des robots aux éditions Toucan, la filiale BD de TF1). Depuis ça s'enchaîne naturellement.

LGC : Tu es donc passé de la bande dessinée jeunesse à Sticky Pants ? C'est un grand écart plutôt violent. 
Tony : Haha ! Ça ne s'est pas passé exactement comme ça. Entre les deux, il y a eu Power Intérim, avec Gildo au dessin et publié dans le Lanfeust Mag de Soleil. C'était aussi une BD sur le thème de la parodie super héroïque mais elle n'a pas eu le succès escompté. C'était en quelques sortes les (sages) prémices de Sticky Pants
LGC : Et tu n'as jamais songé à dessiner des comics ? 
Tony : Non, j'ai bien conscience de mes faiblesses, je ne me sens pas capable de le faire. 
LGC : D'accord, passons maintenant aux questions qui divisent : plutôt Marvel ou DC ? Frank Miller ou Alan Moore
Tony : Je suis plutôt Marvel niveau events et crossovers mais je trouve que les productions animées DC sont bien meilleures. Depuis la série animée Batman des années 90 ils se sont placés clairement au-dessus. J'ai d'ailleurs maté Justice League Doom ce matin avant de venir dédicacer aujourd'hui. Pour le coup, celui-là j'ai pas été convaincu, contrairement à Flashpoint que j'ai préféré à la version comics. Pour les séries live, je mate Flash et Arrow avec mes filles, mais je n'ai pas vu Gotham.
Et sinon Alan Moore, sans hésiter (NDLR : encore un, où va le monde ?).
Homoncule : autopsie d'un nobody Didier Barcco, tome 2 : Shotgun et confiseries

LGC : Et tes lectures du moment ? 
Tony : Black Science et East of West sont mes dernières grosses claques, sinon c'est essentiellement du Urban Comics, j'adore leur ligne éditoriale et leurs bouquins : François Hercouet est un homme de goût... et je ne dis pas ça parce qu'il apprécie Sticky Pants ! (rires)
LGC : En parlant d'éditeur, je vois que tu continues à être publié chez Monsieur Pop Corn pour ton dernier album Labo Reutwar, dessiné par Mickaël Roux. c'est une histoire d'amour avec eux ? 
Tony : C'est Monsieur Pop Corn qui nous avait proposé de publier Sticky Pants à l'époque sans imposer de censure alors que les tous les autres éditeurs qui nous avaient approchés demandaient d'édulcorer le contenu. Je pense que c'est parce que ce sont également de auteurs et qu'ils connaissent les problématiques qu'on peut rencontrer lorsqu'on veut être publié.Comme c'est une petite maison d'édition, ils se concentrent sur la promotion de tous les titres qu'ils publient. C'est un gros point positif, même si ça veut dire aussi qu'ils disposent d'une moins grosse force de diffusion que les gros éditeurs.
LGC : C'est cool ça, tu as d'autres projets chez eux pour 2016 ? 
Tony : Déjà le tome 2 de Labo Reutwar et le tome 3 de Sticky Pants.
J'ai un troisième projet BD, mais il n'est pas prévu chez eux. ce sera un bouquin sur les mascottes les plus célèbres de pub ou de propagande comme L'Oncle Sam américain, le tirailleur de Banania ou Uncle Ben's... Oui, ce sera raciste politiquement incorrect mais la narration sera moins potache et plus recherchée que celle de Sticky Pants. Niveau graphique, Gregor, le dessinateur du projet, s'est rapproché des dessins du Pipboy de Fallout
LGC : OK. Shut up and take my money ! (rires)

Parce que Tony Emeriau ce n'est pas que Sticky Pants, laissez-moi vous présenter les autres travaux de ce facétieux auteur venu de l'Ouest!
"Alice au Pays des Merveilles" est sans aucun doute LE livre qui m'a donné envie de faire ce métier !" Tony Emeriau
Tony Emeriau fait rire, ça oui, dans la vie comme dans ses bouquins, mais la gaudriole n'est pas sa seule passion : Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll est sa madeleine de Proust. L'auteur a donc décidé d'auto-publier une version illustrée par ses soins via un projet de financement participatif sur Ulule.


Le résultat, un magnifique ouvrage emporté par les compositions fantasmagoriques de l'auteur mêlant illustrations et photographies.


Mais bon, parce que Tony Emeriau fait rire et qu'il s'agit de son actualité la plus brûlante, je ne pouvais pas terminer sans évoquer Labo Reutwar, une série "prétexte pour infliger mille et unes saloperies à de petits animaux mignons" avec son complice Mickaël Roux. Fait amusant ramenant au passé de Tony, cette série était à la base un projet de BD jeunesse dans les cartons depuis six ans.
Tant pis pour les gosses, tant mieux pour les amateurs d'humour noir !


Mais qui est Tony Emeriau ?

Bio
  • Date de naissance : 07/06/1976
  • Nationalité : Française
Recette créative
  • ingrédients favoris : humour noir, parodie, comics
Toujours armé de son sourire et de ses punchlines de vieux briscard, Tony Emeriau prouve que l'Ouest de la France est une terre de talents. Il fait également partie de La Boîte Qui fait Beuh, un collectif de dessinateurs angevins qui donnent des cours et des conseils à la jeune génération pour s'améliorer.

Les œuvres cultes de Tony

3 BD cultes :
  • Quête de l'oiseau du temps (Régis Loisel)
  • Le Grand pouvoir du Chninkel (Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski)
  • Kitaro le repoussant (Shigeru Mizuki)
3 influences musicales
  • Gorillaz
  • Jefferson Airplane
  • Smashing Pumpkins
3 films cultes
  • Le bon, la brute et le truand (Sergio Leone)
  • Freaks (Todd Browning)
  • Gremlins (Joe Dante)